Hedy Lamarr, une intello trop jolie pour être crue

Hedy Lamarr aurait pu mettre fin au carnage nazi bien avant la Libération. Mais personne n’a daigné s’intéresser sérieusement à son invention : un système de transmission radio indétectable par l’ennemi, qu’elle est pourtant parvenue à faire breveter. Curieuse et extrêmement intelligente, cette starlette romantique  en connaissait un rayon sur les technologies militaires.

Née en 1914 à Vienne d’une famille bourgeoise passionnée de cultures et d’arts, la petite Hedwig Eva Maria Kiesler n’avait aucune prédisposition à fabriquer des armes. Elle suit sagement le chemin que la vie a tracé pour elle et intègre une école de théâtre, se fait repérer et tourne dans un film qui lancera sa carrière. Dans Extase, elle incarne une jeune épouse qui s’ennuie dans son mariage et tourne cette scène sulfureuse où, nue, elle reçoit un orgasme de son amant. C’est un scandale. Le pape Pie XII condamne le film. Elle devient une traînée aux yeux de l’Europe entière. Son mari de l’époque n’assume pas cette frasque et tente de racheter toutes les copies pour effacer cette provocation mais elles se vendent comme des petits pains. La jeune fille devient une célébrité, les journaux parlent d’elle comme « l’actrice la plus belle du monde ».

Cette situation met son époux hors de lui et le transforme en un monstre de jalousie. Elle a interdiction de renouer avec le cinéma et vit quasiment enfermée dans leur immense demeure autrichienne. Friedrich Mandl veut l’avoir toujours à l’œil. Ce riche négociant d’armes juif autrichien se convertit au catholicisme pour pouvoir signer des contrats avec l’armée nazie. Il reçoit régulièrement chez lui des généraux pour parler affaires et Hedy écoute d’une oreille intéressée les discussions qui ont cours. Elle connaît les problématiques posées par le marché actuel des armes et devient incollable sur la technologie nucléaire de l’époque.

Ce mec est fou. Sa vie est un enfer. Elle se casse, raconte avoir drogué une domestique et piqué son uniforme pour pouvoir fuir ce calvaire. Libérée, elle retrouve le célibat et les folies de la jet set en Suisse, puis à Londres, où elle rencontre Louis B. Mayer, producteur à la Metro-Goldwyn-Mayer, une personnalité qui pèse à Hollywood. Elle l’approche et lui soumet son envie de rejouer au cinéma, mais Mr Mayer lui rit vaguement au nez et improvise un maigre contrat. Avec son anglais approximatif et son passé sulfureux, Hollywood ne voudra jamais d’elle. Hollywood veut des actrices « clean ». Hedy lui claque la porte au nez. Le grand monsieur n’a pas l’habitude qu’on lui dise non. Impressionné par ce saut de caractère, il revient vers elle avec une offre plus respectable. Hedy accepte et embarque aussitôt dans un paquebot, direction Los Angeles.

Là-bas, elle enchaîne les tournages. La Dame des tropiques, Tortilla Flat ou encore Angoisse la hissent à nouveau au sommet de la gloire, mais Hedy ne savoure pas sa victoire. Les paillettes l’ennuient.

« N’importe quelle fille peut devenir glamour. Tout ce que vous avez à faire, c’est de ne pas bouger et de prendre un air stupide. »

Elle multiplie les amants et les mariages, se fait une réputation de croqueuse d’hommes. Mais dans la vie privée, elle fourmille d’idées et met au point toutes sortes d’inventions. Son fils, Anthony Loder, en témoignera plus tard :

« Ma mère était d’une telle créativité… Elle passait son temps à trouver des solutions à tout. Si vous lui exposiez un problème, elle avait toujours une réponse. »

Mais très vite, l’invention des bouillons-cube au coca ne satisfait plus sa soif intellectuelle. En 1940, les nazis font couler un navire qui transportait des réfugiés juifs vers les Etats-Unis. Elle s’inquiète pour les siens restés en Autriche, sous domination allemande. Lors d’une soirée mondaine, elle fait la connaissance du compositeur George Antheil et évoque ses appréhensions. L’homme s’avère être un ancien inspecteur des munitions auprès de l’armée américaine. Hedy lui fait part de son projet  de créer un système secret de communication qui rendrait impossible la détection des attaques sous-marines par les nazis. L’artiste accepte de l’aider dans son projet.

Dès lors, sa maison devient un véritable laboratoire. Elle potasse, teste, interroge et dépose, en août 1942, un brevet sur ce système de transmission novateur à fréquences multiples. Persuadée que son invention peut accélérer la victoire des Alliés, elle la soumet à l’armée américaine gratuitement et sans aucune contrepartie. Celle-ci parcourt rapidement son dossier et rit grassement de cette apparente plaisanterie. Hedy reçoit cette réponse consternante :

« Vous devriez plutôt lancer une collecte pour aider les victimes, plutôt que de perdre votre temps dans ces inventions puériles. »

Heureusement, des années plus tard, l’actrice obtient sa revanche. L’armée se re-penche sur son projet mis aux oubliettes et s’en sert lors de la crise des missiles à Cuba et pendant la guerre du Vietnam, sans jamais lui verser aucun crédit. Le brevet finit par tomber dans le domaine public et les entreprises de télé-communications s’en emparent pour développer les communications mobiles, le positionnement par GPS et le réseau wi-fi. Elle décédera en l’an 2000 sans que son nom soit jamais associé à ces innovations majeures, et restera une poupée hollywoodienne à scandales.

Aujourd’hui, justice lui est progressivement faite. Son système a été rebaptisé « technique Lamarr » et des hommages ont récemment été rendus pour la « femme de science et de cinéma » qui aurait eu 100 ans le 9 novembre dernier.

Dans la famille des killeuses de nazis, il y a aussi Nancy Wake, agent secret effrontée et Lee Miller, photographe au cœur bien accroché

Étiquettes : femme, guerre, invention