Rosa Bonheur, une lionne parmi les loups

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Ses contemporains se souviendront d’elle, arpentant les foires à animaux d’Ile de France et promenant, par la même occasion, son lionceau Fatma qu’elle était parvenue à apprivoiser. Rosa Bonheur était une peintre paysagiste passionnée par les animaux. Elle est aussi la première femme faite Officier de la Légion d’Honneur

La vie sauvage : une passion dévorante

Son amour pour le grand air débute dès ses premières années passées dans le domaine du château de Quinsac en région bordelaise, de 1922 à 1929. Sa mère, une musicienne érudite et son père, un peintre paysagiste progressiste, l’encouragent à embrasser la liberté des grands espaces. Alors, quand la famille est contrainte de déménager à Paris, pour la petite Rosa, c’est un choc. Pour retrouver un semblant de campagne, elle est autorisée à élever un mouton sur le balcon de l’appartement. Très tôt, Rosa Bonheur s’émancipe des codes sociaux qui s’imposaient aux autres petites filles de son âge.

Depuis toujours, l’animal est son modèle de peinture préféré. Bœufs, chevaux, cerfs, chiens… Elle examine minutieusement leur carrure, leur pelage, la lueur de leur regard et dépeint, sur ses toiles, la force de caractère qui les anime. Son premier succès, Les Lapins, lui ouvre les portes de la reconnaissance. En 1853, son tableau Marché aux chevaux fait grand bruit et lui offre une renommée internationale lorsqu’il est exposé à Londres, puis au Metropolitan Museum of Art de New York.

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Les Lapins, 1841

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Le Marché aux Chevaux, 1853

Grâce à cet immense succès, elle est invitée par le directeur du Cirque d’Hiver à visiter sa propriété.  Pour la première fois de sa vie, elle voit un lion en chair et en os. Débute alors une nouvelle page de son oeuvre consacrée à l’auguste splendeur du roi de la savane. C’est à cette époque qu’elle adopte deux lionceaux qui deviendront, pour elle, des animaux de compagnie. Elle se lie également d’amitié avec Buffalo Bill, qui lui en apprendra plus sur les Indiens d’Amérique auxquels elle voue une vénération souveraine. Ils incarnent une forme de liberté et de communion à la nature auxquels elle aspire depuis toute petite.

La reconnaissance malgré sa condition de femme

Elle retrouvera cette proximité avec le monde animal à l’achat du château de By, en 1959. Elle est alors la première femme à obtenir un le droit de propriété en son nom. Rosa Bonheur est plutôt douée dans la collection des titres de « première femme à… ». Sans qu’on ne se l’explique vraiment tout à fait, sa condition de femme n’a pas fait entrave à son immense carrière. Rosa a pourtant tout pour contrarier les normes de l’époque.

Depuis son jeune âge, c’est un garçon manqué. A l’âge de 14 ans, elle découvre son homosexualité et l’assume au grand jour aux cotés de ses compagnes successives. Elle fume en public et porte le pantalon. Ce vêtement, interdit aux femmes jusqu’au 4 février 2013, lui est exceptionnellement autorisé par la préfecture de police en raison de ses pérégrinations dans les abattoirs et marchés à animaux qu’elle doit entreprendre pour réaliser son tableau Le labourage nivernais, une commande de l’Etat français.

Le Labourage nivernais, 1849

Le Labourage nivernais, 1849

« Paris, le 12 Mai 1852 Nous, Préfet de Police, … Autorisons la demoiselle Rosa Bonheur demeurant à Paris, rue … n° 320 à s’habiller en homme ; pour raison de santé sans qu’elle puisse, sous ce travestissement, paraître aux spectacles, bals et autres lieux de réunion ouverts aupublic. La présente autorisation n’est valable que six mois, à compter de ce jour. ».

L’autorisation est renouvelable et la jeune femme ne se privera pas d’en profiter. Ce pantalon, c’est sa signature, le symbole de son indépendance d’esprit. C’est sans doute à cette pugnacité qu’elle doit son acceptation en tant que femme artiste. Ado, elle décide de quitter l’école pour accomplir son destin artistique. Son père ne la soutient pas tout de suite. Impossible pour une fille de l’époque d’entrer dans une école d’art. Mais Rosa est bornée et le convainc de lui enseigner lui-même la peinture. Lors des ses premières expositions, ils taisent son identité pour que son sexe n’entrave pas le jugement des visiteurs. Bingo ! En 1841, son talent est acclamé et sa condition de femme ne fait pas d’émules. Et l’on ne saura jamais vraiment pourquoi.

Est-ce sa volonté, sa confiance en elle, ses airs masculins, l’incontestabilité de son talent…? Un peu de tout ça sûrement. Ce qui est sûr, c’est que Rosa Bonheur ne s’est jamais revendiquée féministe, ni même ne s’est exprimée en tant que femme. C’était toujours  l’artiste qui parlait. Néanmoins, c’est grâce aux opinions égalitaristes de son père, un admiratif de Saint-Simon, lui même fervent supporter de la cause féminine, qu’elle suit la même éducation que ses frères. On ne peut pas non plus ignorer que son Labourage nivernais est inspiré de La Mare au Diable, le roman de George Sand, icône incontestée du féminisme.

En 1865, elle devient la première femme faite Chevalier puis Officier, de la Légion d’Honneur. Elle portera cet insigne toute sa vie, crocheté au dessus de son pantalon. C’était sa fierté. Elle est désormais la nôtre.

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