Les Gurung, chasseurs de miel

Nichés dans les montagnes du Gandaki au Népal, les Gurung sont un peu les yamakasis de la forêt. Accrochés à des échelles de corde, ils récoltent des kilos de miel dans les ruches nichées à des dizaines de mètres de hauteur dans les failles des falaises. Ce savoir-faire ancestral, probablement l’un des plus anciens au monde, forge l’identité de cette petite ethnie himalayenne. 

Tribu Miel

Ils « chassent » le miel. Deux fois par an, les abeilles viennent butiner les fleurs de la région de Pokhara et les travailleurs s’activent pour récolter le miel qu’elles cultivent contre les falaises de la jungle. Ils revendent ensuite le fruit de leur travail sur les marchés. Le miel des Gurungs est très réputé et vaut une fortune en Corée, au Japon et en Chine.

Ils n’ont pas peur du vide. Pour atteindre les parois qui abritent les ruches, ils tissent de longues échelles de corde qu’ils lacent à la racine d’un arbre et jettent du haut de la falaise, avant d’y descendre avec une agilité déconcertante. Les accidents sont rares, mais lorsqu’ils se produisent, on donne à la falaise le nom du chasseur décédé. Quand les abeilles sont particulièrement agitées, on s’immobilise et l’on se tait pendant de longues minutes. Un seul geste brusque et la piqûre oblige à redescendre. Ainsi, la récolte peut durer entre deux et trois heures pour une seule paroi.

Tribu Népal miel

Ils travaillent sans aucune protection. Les abeilles géantes de l’Himalaya ont beau être les plus grosses du monde (3cm de long pour certaines), les Gurung ont tissé avec elles des relations particulières de gratitude et de confiance. Au printemps, ils récoltent le miel, en short, t-shirt et à mains nues. Ils enflamment des fagots de branches pour les enfumer et détourner leur attention le temps de la récolte.

Miel Népal

Ils demandent la grâce de la forêt avant d’effectuer une ascension. Une fois arrivés sur le lieu de la récolte, les uns s’activent à installer les échelles pendant que les autres exécutent la « pujah » un rituel qui invoque l’âme de la forêt pour ne pas qu’elle s’offense de leur venue et qu’elle les épargne de tout incident. On brûle de l’encens, on récite des prières et l’on sacrifie parfois un coq, qui sera dégusté au déjeuner sous forme de curry.

Ils consomment leur miel avec modération. Le miel des Gurungs étant hallucinogène, il est risqué d’en consommer plus de trois cuillères par jour. En effet, les abeilles butinent les rhododendrons du pays dont les molécules sont hautement toxiques. Le miel qui en résulte est chargé d’un alcool équivalent à celui de l’absinthe. La dangerosité des fleurs varie selon la saison. Au printemps, le miel revêt une teinte rougeâtre et est réputé particulièrement « relaxant ».

Gurung tribu

Ils ont des ruches intégrées aux murs de leurs maisons. Pour se protéger des prédateurs et augmenter l’exposition de leur production au soleil, les abeilles s’installent généralement en hauteur. Les Gurung ont donc eu l’idée d’insérer dans leurs murs des ruches leur permettant de récolter le miel depuis l’intérieur de la maison.

Gurung

Ils travaillent toujours en groupe. Le principe de « nogar » guide leurs activités au quotidien. Au lieu que 20 personnes travaillent chacune dans son champ pendant 20 jours, le nogar veut qu’elles travaillent ensemble sur chacun des 20 champs pendant une journée.

Le miel est un peu le secret de leur forme. Connu pour ses vertus aphrodisiaques, hallucinogènes mais aussi médicinales et calmantes, les Gurung commencent leur journée par une cuillerée chacun de ce précieux nectar.

Ethnie Gurung

Ils ont leur propre système de scoutisme. Entre l’âge de 14 et 17 ans, les jeunes du villages se regroupent pendant quelques mois pour former un « rodhi ». Filles et garçons s’installent chez les parents de l’un d’entre eux et tissent des liens de fraternité et d’amitié. Ils travaillent ensemble la journée et chantent le soir venu. Ils partent parfois en expédition pour rencontrer les autres rodhis de la région. Le but est que les aînés montrent l’exemple aux plus jeunes pour en faire des adultes responsables et accomplis.

Pourquoi ils sont menacés. La population des abeilles du Népal a fortement chuté ces dernières années en raison d’opérations de déforestation de plus en plus importantes dans la région. Par ailleurs, l’appropriation des falaises par le gouvernement népalais ouvre le marché à une concurrence d’entreprises privées face à laquelle les techniques de chasse ancestrales ne peuvent pas résister.

Crédit photos : Eric Valli

5 Commentaires

  1. Faut pas avoir le vertige…

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  2. Incroyable! Et tout ça en harmonie avec la nature et avec énormément de respect pour elle.

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    • Joyeux Magazine

      Oui. C’est fou comme on a totalement perdu cette connexion à la nature chez nous. Dans la plupart des tribus que j’ai présenté jusqu’ici, je constate que presque toute ont des rituels d’hommage à la nature pour qu’elle les protège, leur accorde sa protection… Ils ont beaucoup plus d’humilité que nous face à leur environnement.

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